"Oser briser le tabou de la santé mentale en entreprise"
Vania Gomes, directrice RH de Condis, raconte comment l'entreprise d'équipements électriques de Rossens a brisé les tabous sur la santé mentale et adapté son environnement aux femmes.

Radio Fribourg: Fondée en 1903, l'entreprise fribourgeoise fabrique des condensateurs électriques haute tension. Basée à Rossens, elle emploie environ 160 personnes et recrute activement: une soixantaine de personnes ont été engagées depuis le début de l'année, qu'est-ce qui fait que la demande pour vos produits augmente?
Vania Gomez: Il y a une grosse demande en électrification à travers le monde. Par exemple, des grosses demandes au niveau des data centers, donc des infrastructures de données qui demandent beaucoup d'énergie, d'où la nécessité d'avoir nos produits.
On entend souvent que produire en Suisse coûte cher. Vous, comment vous arrivez à rester compétitif?
La qualité. Nous, on mise tout sur la qualité de nos produits, la fiabilité, et par rapport au marché et à la compétition, c'est un élément qui est clé. Énormément de contrôles, la qualité des matières premières qu'on utilise, et notre savoir-faire.
Vous avez mis en place au mois de septembre un programme de sensibilisation à la santé mentale. Pourquoi avoir pris cette initiative?
Tous les deux ans, on réalise une enquête interne auprès de nos collaborateurs. Dans la longue liste des questions qu'on pose, il y en a une qui demande à quelle fréquence ils se sentent surmenés ou ont un sentiment de stress négatif durant une semaine de travail. Le résultat a été assez frappant en 2024: on a eu 70% de nos collaborateurs qui ont répondu "souvent", voire "parfois". C'est alarmant.
Effectivement, il y a peut-être certains employés qui n'osent pas en parler?
Oui, et moi-même, je suis un exemple de ne pas avoir osé à un moment donné en parler, par peur, par crainte. Mais je pense que d'oser en parler n'est pas une faiblesse, mais c'est une preuve de maturité.
Qu'est-ce qui a fait que vous avez franchi ce pas?
C'était durant ma deuxième grossesse, où j'ai un peu perdu pied, et je n'ai pas osé en parler. Je me suis dit: en tant que directrice RH, en tant que leader, je n'ai pas le droit de montrer que je suis faible, en plus je suis seule femme membre de direction, donc je dois être au même niveau que les autres. À contrario, ça s'est retourné contre moi. Ça a eu un impact sur ma performance, le fait de moins avoir confiance en moi. A mon retour de congé maternité, la place de la femme au sein de la société a été une question abordée avec mon directeur. Cette thématique m'a marquée: grâce à ça, j'ai ensuite pu construire un projet "femmes dans l'industrie", qui ose soulever ces thématiques taboues.
Chez Condis, les femmes représentent à peu près un quart des effectifs. Il y avait des choses qui n'étaient pas adaptées?
Oui. Dans la production, on pense tout de suite aux hommes. Lorsqu'on a commandé des exosquelettes par exemple, ils n'étaient pas du tout adaptés à la morphologie de la femme: ça compressait la poitrine. On a construit aussi une nouvelle usine, dans laquelle on n'a pas pensé à mettre des poubelles dans les toilettes des femmes. On ne se rend pas compte de la gêne que ça peut occasionner, juste ce simple fait lors du cycle menstruel. Les ordinateurs aussi, on les plaçait à deux mètres de haut alors que la taille moyenne des femmes, c'est 1m60.
Ces adaptations, ça a été des retombées positives pour l'ensemble de l'entreprise, pas que les femmes?
Les hommes étaient inclus. On a eu des conférences mixtes sur l'impact du cycle menstruel sur la santé mentale, sur la ménopause, mais aussi sur l'andropause. Je me souviens encore durant une pause, discuter de manière ouverte avec un homme sur les symptômes de l'andropause qu'il avait. C'est sain. Oser aborder ces sujets en entreprise, ça favorise le dialogue et ça favorise la performance.
Ecoutez l'interview complet: